Au cœur de la France, il était autrefois une terre sacrée, une contrée bénie des dieux, au centre de laquelle trônait le Mont Dumias: c'était le pays des Arvernes! A travers les âges, cette région, aux paysages envoûtants, est devenue une terre riche d'histoires et de légendes souvent oubliées... Bienvenue!

Friday 14 June 2013

La momie des Martres d' Artières


Cet 'embaumement serait très remarquable en Égypte même, il est très surprenant en Auvergne..."
                              Georges Louis BUFFON

C'est le 4 février 1754, dans un champ marécageux entre Lignat et le village, que deux laboureurs des Martres d'Artière buttent sur une bien curieuse pierre. Comme elles sont rares dans la Limagne, ils décidèrent de la déterrer pour un usage future. 

On peut imaginer l’étonnement de ces deux paysans qui ayant enlever une partie de la terre, se trouvèrent devant une sorte de sarcophage en pierre 'grise et poreuse' sans sculptures, ni épitaphes. Les descriptions de Legrand d'Aussy nous donne les dimensions suivantes: "Il avait sept pieds de long, cinq pied trois pouces de haut, et trente deux pouces de large".

Ils crurent alors avoir trouve un trésors et redoublèrent d'efforts pendant deux jours et deux nuits afin de dégager ce tombeau en forme de coffre. Le poids de la pierre étant trop lourd ils ne purent l'ouvrir qu'à coups de pic, détruisant ainsi la pierre. A l’intérieur ils trouvèrent, non pas de l'or, mais un cadavre dans un sarcophage de plomb.... Le sarcophage et le tombeau étaient composés de deux pièces s'emboitant l'une dans l'autre. Le sarcophage présentait deux fentes de 2 pouces sur le dessus au niveau de la bouche et de l'estomac. La fonction de ces fentes, comblées d’étoupes, n'a pu être déterminer a l’époque. Le corps est enveloppé dans un suaire en forme de natte et des cheveux sont encore présent à l'arrière du crâne.

"Le tombeau avait, au midi, le ruisseau d'Artière, à la distance de vingt-six pas, et au nord, un grand chemin de vingt-quatre."

Les découvertes archéologiques étant fort fréquente dans la région cette découverte aurait pu passer inaperçue. Or, chose surprenante, l’état de conservation du corps est tel que l'enfant semble simplement endormi. En comparaison, les momies retrouvées en Égypte ressemble à du travail d’amateur!

La momie des Martres attira bientôt une foule de curieux et de scientifiques des régions alentours. Legrand d'Aussy, fait la remarque que le principe de momification égyptien laisse un corps dessécher par les sels et bitumes utilisés alors que la momie retrouvée aux Martres ne présente aucune mutilations. Ce mort était un enfant de 10-12 ans qui a conservé toute la "fraicheur et cet air de vie, que seul le sommeil peut laisser, et que la mort enlève toujours. [...] Les lèvres étaient fraiches et vermeilles; les mains, blanches et potelées; [...] les yeux qu'on aurait cru devoir être éteints et oblitérés, conservaient le brillant et la vivacité qu'ils ont dans l'homme vivant. " Le plus remarquable est que la peau a gardé sa souplesse même si elle présente une couleur jaunâtre du fait des onguents appliqués lors de la mort. La plupart des articulations se prêtent aux mouvements et les doigts ont même assez de ressort pour se restituer lorsqu'on les plie. Des aromates et autres onguents ont été retrouves sur le corps mais leurs compositions n'ont pu être déterminé avec les moyens de l’époque.

Les habitants des Martres d'Artière voyant en cette sépulture, celle d'un Saint, ils la transportèrent alors dans l’église la même semaine de la découverte. La paroisse est bien vite débordée par le flot de curieux, dont la plupart veulent ramener un bout de la relique. Les pèlerins commencent alors à arracher les dents, des bouts de peau, les bouts de tissu... Ayant eu connaissance de ces débordements, L'Évêque de Clermont ordonnele 17 février d’inhumer la dépouille dans le cimetière des Martres. C'était sans conter l'intervention de Louis XV qui, ayant eut connaissance de cette formidable découverte, exige que la momie soit envoyer au cabinet d'histoire naturelle afin d'y être étudiée. La momie est alors déterrée le 22 Fevrier et emmener à l’Hôpital Général de Riom qfin de préparer son envoi à Versailles. On déposa le corps dans une boite garnie de vitraux.

C'est le le 24 Avril 1756 que Georges Louis BUFFON reçoit la momie. Il en fait la description suivante: "Cette momie est l'une des pièces les plus curieuses qui fut au cabinet du roi. Jamais on n'a rien vu d'aussi merveilleux dans ce genre. C'est le chef d’œuvre de l'art des embaumements... C'est la plus parfaite des momies qui ont été connues jusqu'à présent. Un objet aussi intéressant m'engage à passer les bornes d'une description en comparant cette momie avec celles qui étaient connues des naturalistes avant qu'elle fût découverte... Jamais on avait vu de momie aussi parfaite."
 
Legrand d'Aussy revit la momie en 1787et s'affligea de  son état:  le corps été complétement desséché et racorni du fait des méthodes de conservation. Quelle ironie du sort! Après avoir passé plus de 1000 ans en un état remarquable, l'enfant retourna à la poussière en moins d'un an! 

La bonne nouvelle c'est que la momie auvergnate existe toujours! Après avoir trôné au Musée d'Histoire Naturelle aux cotés de ses confreres d’Égypte, elle est rangée en 1900 dans les réserves du musée de l'homme à Paris. Où elle se trouve toujours... La voici ci dessous:


Une question se pose alors: qui est donc cet Auvergnat qui reçut de si délicates attentions? Il fût, sans aucun doute, une personne importante. Les récits de l’époque mentionnent que les deux paysans, qui découvrirent la sépulture,  trouvèrent des bijoux et autres artefacts de valeur qu'ils emportèrent avec eux. Ces bijoux auraient pu nous en dire plus... ils nous restent alors que les hypothèses. 

Qui est donc ce peuple qui maitrisait à la perfection, l'art de l'embaumement? Etait-ce un habitant de l'oppidum de la Bade qui surplombe les Martres? Etait-il un des Sarrasins qui  ravagèrent l'Auvergne vers 730 de notre ère? Originaires d'Afrique du Nord, ils auraient pu remonter le savoir de la momification jusqu'en Auvergne?

Il est à noter que le terme 'martre' marque une nécropole dans la toponymie auvergnate...

 45°50'8.90"N   3°15'22.80"E

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